C’est une journée comme les autres. Monotone, terne, horriblement ennuyante. Une autre journée à me lever tôt pour aller prêter main forte à l’infirmerie. J’ai pas envie, tellement pas. C’est pas parce que j’aime pas soigner les gens, loin de là. C’est juste que j’aimerais pouvoir me lever le matin et me dire que j’ai pas à ramasser ce Ed par la peau du cul pour aller le livrer à Butcher en échange de ma mère. J’aimerais me lever le matin t pouvoir me dire que ma sœur est avec moi, là, et qu’elle va bien, qu’elle est en santé. C’est chiant, la vie, hein ? Carrément. Je reçois son point en pleine gueule, elle prend exemple son mon ex-mari, ma parole. Ma propre vie qui me réduit en bouillit. Normal que j’ai pas envie de me lever et de passer mes journée à faire des choses qui m’occupent pas assez pour arrêter de penser à mes petits problèmes de merde. Difficile, le levé, mais j’y arrive tout de même, parce que j’ai pas le choix, parce que mon père me donne gentiment une tape sur l’épaule en me souriant et en me gratifiant d’un petit « tu es forte, ma chérie. » Et je me sens mal d’être aussi égoïste de penser qu’à moi. Sauf que, est-ce que c’est vraiment de l’égoïsme que de vouloir retrouver sa famille entière, de pouvoir voir son père heureux de retrouver sa femme et sa deuxième fille ? Pour le moment, je dois rester avec lui, encore un peu. Juste pour me souvenir de lui quand je le perdrais de vue, quand je partirais de la cohorte. Et merde, si jamais elle bouge, si jamais, à mon retour, plus personne n’est ici ? Si jamais mon père disparait pendant mon absence ? Ça va pas du tout. C’est pire que tous les films d’horreurs les plus horrifiants du monde entier. Je prends une grande bouffée d’air, la retient quelques secondes avant d’expirer lentement. Ça attire la curiosité de mon père, qui me jette un regard rempli de questionnements que je balais d’un signe de main. « Ça va papa, c’est rien. » J’essaie vraiment de croire à ce que je dis, pour qu’il puisse y croire aussi et qu’il ne pose plus de questions. Il devine toujours tout, à l’habitude. Miracle, il a l’air de me croire. Je gère sur ce coup-là, au moins. Alors qu’il me souhaite une bonne journée et qu’il sort de la tente, j’entreprends de m’habiller et d’enfiler mes bottes avant de quitter à mon tour notre chère « maison ». Sounds familiar, isn’t it ? Ouais. J’ai l’impression de faire la même chose tous les jours : Me lever, m’habiller, sortir d’ici et partir à l’infirmerie. J’ai une de ces vies palpitantes ! C’est ça et rien d’autre.

Me dirigeant lentement à l’infirmerie, j’observe les gens autour. Certains sont pensifs, d’autres inquiets, d’autres moins. Avec l’annonce que ce cher Sam a fait hier soir pendant la petite fête, il est évident que ça a miné le moral de pas mal de gens. Il y a que des idiots pour faire ça. Mon ex aurait probablement été ami avec cet homme assez fou pour risquer nos vies. J’ai envie de gerber rien que d’y penser. Il ne met pas que sa vie en danger, mais bien la vie de tous et ça me dépasse. Et c’est pas le moment pour moi de filer à la douce et de plus jamais revenir. Parce que je pourrais pas me résoudre à laisser mon père ici et… parce que j’dois aussi sortir Ed de ce trou à rats. Ça grouille de pensées dans mon cerveau, ça change pas quand je pénètre dans l’infirmerie. Personne. Je suis la première là, comme d’habitude, pour pas changer. On me colle aux tâches ingrates même si je suis plus la p’tite nouvelle. Soupirant, je me dirige vers les boîtes derrière, pour faire l’inventaire, pour passer le temps, surtout. Il ne nous reste plus grand-chose, c’est la loose. Dans un monde où c’est chacun pour soi, on essaie de surveiller l’infirmerie et les ressources du mieux qu’on peu, mais y’a toujours de fuites, des trucs qu’on perd mystérieusement, qu’on trouve plus. On pense qu’à nos gueules. Et pendant que je rumine des idées pas très amusantes, j’entends des pas se rapprocher. Des pas lourds. Fronçant les sourcils, je me retourne et vois apparaître une gueule trop masculine pour que cette personne soit assignée aux soins. À y voir mieux, c’est justement cet homme que je cherche tant à échanger contre ma mère. Ce cher Edmond. Comme on se retrouve. Pour pas changer, j’ai toujours pas l’envie d’être sympathique et de nouer des liens avec lui. Il a l’air macho et sexiste, des traits de caractère que j’apprécie pas. Pourtant, je l’accueille avec un sourire qui se veut chaleureux, bien qu’il me laisse une sensation d’amertume. J’aime pas faire semblant. « Vous êtes matinal, dites-donc. » Je range quelques bandages dans une des boîtes de carton avant d’ajouter : « Qu’est-ce que vous amène à l’infirmerie ? » Des questions, tout pleins, faut bien faire la conversation. « Edmond, c’est bien ça ? Moi c’est Fantine. » Je sens qu’il arrivera pas à prononcer mon prénom correctement, comme le 5.999/6ème du monde, mais on s’en fou, c’est pas le moment de jouer les difficiles.

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