Mes yeux rivés sur le feu de camp, j’observe les flammes danser sous la légère brise. Après avoir passés des semaines à chercher comme un forcené Siobhàn, épuisant toute mon énergie et ma force dans cette tâche, je pensais pouvoir souffler, savourer ces retrouvailles et prendre le temps de dormir. Mais le sommeil ne semble pas vouloir me gagner, bien que mon corps commence à peiner devant tant de fatigue. Mes pensées m’empêchent de trouver un peu de repos, mais c’est surtout la douleur. La douleur que provoque ce trou béant dans ma poitrine. Alors que je pensais que  le jour où je la retrouverais enfin, tout reviendrait dans l’ordre. On reprendrait tout de zéro, on apprendrait à se connaître mais surtout on se soutiendrait dans cette nouvelle vie qui nous attendait, celle de parent.  Mais tout s’est effondré. Rien ne s’est passé comme prévu. J’ai retrouvé Sio, mais nous avons perdu notre bébé. Et chose que je ne pensais pas possible, cette perte me touche profondément.

La voix d’Eileen me fait sortir de mes pensées. En l’observant j’eu un moment de nostalgie. Ces derniers temps, nous n’avions pas eu l’occasion de passer du temps ensemble, à vrai dire j’y suis pour beaucoup. Trop obnubilé par ma quête. J’eu une légère grimace en sentant cette culpabilité à son encontre me ronger. Je n’ai pas été très présent pour elle, sachant qu’elle aussi vit des moments douloureux. Comme nous tous, d’ailleurs. Mais j’ai promis de toujours être là, de ne jamais l’abandonner. Lâchant un soupire je l’attrape par le coude en l’attirant sur mes genoux. « Qu’as-tu fais vilaine fille ? Qui as-tu volé » dis-je en la taquinant. Mes yeux cherchent les siens, me mordant la lèvre pressé de savoir ce qu’elle cache. J’aurais pu, lui prendre les mains de force pour voir par moi-même mais jamais je n’ai jamais voulu avoir le moindre geste violent à son égard même par simple jeu. Lui donner de cours de défense a déjà bien été difficile à supporter. « Et qu’ai-je fais pour mériter un cadeau ? » dis-je, avide de savoir. Je garde cette façade bon enfant, ne voulant pas la perturber avec de terrible nouvelle.

En entendant la douce mélodie de son rire, un sourire se dessine sur mon visage trop heureux de l’entendre à nouveau. Ces petits moments de relâchement, ces simples instants où on oublie l’espace de quelques secondes le merdier dans lequel nous nous trouvons. Ma rencontre avec Eileen a changé ma vie, alors que tout était devenu sombre, noir sans lueur d’espoir à l’horizon, elle a ramené la lumière. Un véritable rayon de soleil. Sa douceur et son innocence m’ont touché profondément. Elle m’a redonné l’espoir, elle m’a redonné l’humanité que j’avais perdu, ou plutôt que j’avais mis de côté pour me protéger. Je lui dois beaucoup et quand elle sort la bouteille de derrière son dos, je n’ai aucun regret sur l’amitié que je lui porte. Elle me comprend mieux que personne, et combien j’ai besoins… nous avons besoins d’échapper ne serait-ce que quelques heures à ce chaos. Et quoi de mieux que de descendre une bonne bouteille devant un feu de camp en compagnie de sa meilleure amie. Car oui, c’est ce qu’Eileen représente à mes yeux. « Tu sais me prendre par les sentiments toi » dis-je avec un clin d’œil. « Hmm, si tu as eu affaire à ce vicelard de Slayer alors je n’ose imaginer ce que tu as du faire » ajoutais-je en prenant un air choqué, insinuant ainsi qu’elle a dû donner de sa personne. En tout plaisanterie évidemment. J’aime la taquiner, et puis prendre pour une fois le temps de ne rien prendre au sérieux  fait un bien fou. Pour une fois je veux mettre de côté, le temps d’une soirée à ses côtés,  tout ce chaos tout ce qui a pu nous arriver. Juste savourer l’instant présent et lâcher prise.

A sa remarque, une légère moue se dessine sur mon visage. En effet, depuis l’attaque de la cohorte ma flasque n’a malheureusement pas eu beaucoup d’occasion d’être bien remplie. Pas que l’alcool soit un besoins pour moi, mais il est parfois agréable de se laisser aller aux vices. Je ne peux m’empêcher de rire en l’observant grimacer après avoir bu le liquide. « Petite nature » dis-je en prenant la bouteille de ses mains pour la porter à mes lèvres. En sentant la substance couler le long de ma gorge j’eus presque le même effet. « Pwaah. Le temps où on trouvait du whisky de bonne qualité est définitivement loin derrière nous » dis-je en inspectant le contenu de la bouteille.
Gardant Eileen sur mes genoux, je pose ma tête contre son épaule en observant les flammes. « Tu m’as manqué gamine » avouais-je, tout sourire avant de boire une grosse lampé d’alcool pour lui tendre à nouveau la bouteille. « Je n’ai pas été très présent pour toi ces derniers temps, va falloir que je vérifie que tu n’ait pas perdu tout ce que je t’ai appris » dis-je en ponctuant ma phrase d'un petit pincement entre ses côtes pour la chatouiller.

Pendant tout le temps où nous avons foulés les terres à la recherche de la cohorte, Eileen n’a eu de cesse que de se mettre entre Hunter et moi, et calmer nos tempéraments de feu à chacun. Même si nous cohabitions ne notre mieux, l’entente a toujours été que trop rare si ce n’est pas pour dire inexistante. J’en suis certainement la cause, je l’admets mais il faut croire que aucun de nous n’étions prêt à faire plus d’effort. D’autant plus à ce jour en ce qui me concerne, ma rancœur à son encontre étant bien plus forte depuis qu’il a lâchement abandonné Eileen sans même prendre le temps de donner ne serait-ce qu’un soupçon de raison, des raisons qui selon moi ne peuvent être aucunement valables et justifiables. Qu’elle puisse lui pardonner un jour me hérisse le poil et c’est un sujet sur lequel nous ne serons jamais en accord.

Les minutes défilent rapidement, la bouteille se vidant tout aussi vite. L’alcool réchauffe mon corps, et me détend perceptiblement au fur et à mesure. Un besoins évident, de relâcher la pression. Et quoi de mieux que de passer un moment avec celle, qui je ne l’aurais jamais cru est devenue ma confidente, ma meilleure amie. Serrer l’un contre l’autre, ayant tous les deux besoins de cette proximité pour apaiser nos craintes et nos tourments. Juste profiter d’un moment à deux, ce qu’on ne fait plus depuis bien trop longtemps. Les lèvres plissées, sourcils froncés en observant les flammes, je cherche les mots pour répondre à sa question sans trop montrer ma haine envers Hunter. Exercice pas évident. « D’une, il est difficile de ne pas t’aimer Eil. De deux… Oui je pense qu’il t’aime. Il a juste été trop lâche pour assumer ses sentiments » ajoutais-je sans pouvoir retenir ma rancœur et mon mépris. Avec une moue contrite je cale une mèche derrière son oreille et tente un léger sourire à la commissure de mes lèvres. « Pour parler de sujet aussi sérieux, nous n’avons pas encore assez bu ma jolie » dis-je sur un ton amusé pour alléger un peu l’ambiance. Avalant une énième gorgé je lui donne la bouteille pour qu’elle en fasse de même, insistant du regard pour qu’elle le fasse. « Tu sais il doit s’en mordre les doigts, j’en suis sûr même. »

Au bout de quelques minutes mon regard se perd dans la vide, ressentant un léger malaise s’installer en moi. Une irrésistible envie de vider mon sac me prend. Tout déballer à Eileen, lui vider mon cœur, ma peine, mon chagrin, ma détresse, ma colère. Avalant encore une gorgée, de moins en moins difficile à avaler, nous habituant plutôt aisément à son goût amer, pour me donner du courage « Tu as vu Siobhàn ? » tentais-je faiblement en la regardant sans pouvoir cacher les tourments dans mes iris.